LÜN Colorieuse de Trucs
Actus
Juxtapositions
Juin 2025
Ce qu’il reste de ce qui a été m’a toujours intriguée et passionnée.
Les lois de la vie nous cantonnent dans un petit bout d’ère qui nous est propre, et nous laissent la responsabilité ultime du souvenir de ce qui fût avant nous, à transmettre tant bien que mal à celles et ceux qui suivront, avant qu’il ne sombre à jamais dans l’oubli.
Mais la ville nous chuchote des secrets sur celles et ceux qui sont passés par la vie avant nous, nos Anciens, nos Anciennes. Si nous ne sommes pas du même siècle, nous marchons sur les rues qu’ils ont construites, pavées, équipées. Et ce qu’il reste d’elles et eux autour de nous sont autant d’indices de leur quotidien, de leur labeur, et de leurs espoirs. Les friches industrielles, les vieilles ruelles pavées, les anciennes publicités à la peinture délavée, les devantures d’un autre temps nous livrent des trésors cachés. Ils ont par essence quelque chose de résolument poétique, qui résonne en moi quand je me promène.
A l’Atoll, mon atelier, l’idée a émergé de juxtaposer le présent et le passé, et de dérouler le fil de ces émotions.
L’idée, c’était d’encourager le souvenir à venir nous rendre visite. D’aller rencontrer nos Anciennes, nos Anciens, de sonder leur âme, de les inviter, comme un hommage, à arpenter ces rues qui étaient les leurs et qui sont désormais les nôtres.
C’était aussi d’offrir aux Présents la joie de monter dans une machine à remonter le temps, de s’émerveiller de ce qui reste dans notre quotidien des générations précédentes, des bouts de façades magiquement intacts, des murs abandonnés gardant une trace d’autres usages,
C’était de retrouver, sur le fil de leur mémoire, les bribes de vieilles histoires et anecdotes transmises de bouche à oreille, de génération à génération.
A l’heure où le numérique prend tant de place, finalement, c’était ouvrir une parenthèse enchantée où hier, aujourd’hui et demain ne font qu’un.e.
Dans cette parenthèse, j’ai pris des libertés avec les strates du temps, et calé mon pas sur les empreintes de celles et ceux qui ont arpenté les mêmes rues, les mêmes quais, les mêmes rêves. Ils sont devenus les personnages principaux de mes toiles et de mes pensées, cette ouvrière au regard malicieux, ce vanneur aux aguets, ces ouvriers avec leur marteau pilon, ces commerçants posant fièrement sur le pas de leur porte, ces enfants jouant dans les rues, cette femme attendant le tramway sous son ombrelle, ces hommes faisant une pause pendant la construction du pont de Toulouse…
À coups de collages, de marouflages, de pinceaux, de touches de bombe aérosol sont nés des lieux imaginaires, des panoramas fictifs et aériens, à la frontière entre le déjà-vu et le mirage. Ni tout à fait ici, ni tout à fait là-bas. Une invitation à perdre momentanément ses repères, à lâcher prise pour laisser vagabonder son esprit dans les interstices poétiques du réel.